Depuis quelques années, les réseaux sociaux voient se multiplier les comptes et plateformes liées à l’astrologie, et à la spiritualité dans son ensemble : d'où vient ce regain d'intérêt ?
Depuis quelques années, les réseaux sociaux voient se multiplier les comptes et plateformes liées à l’astrologie, et à la spiritualité dans son ensemble : memes, contenu éducatif, communautés, boutiques en lignes…autant de pratiques permises par l’explosion des réseaux sociaux dont l’astrologie s’est à son tour emparée. Ces astrologues, cartomancien.nne.s, coach… font également partie d’une nouvelle génération d’individus jeunes et dynamiques, qui bouscule les clichés et dépoussière une discipline qui demeure aujourd’hui encore très controversée.
Réseaux sociaux : un nouvel eldorado
L’astrologie, ce n’est plus un numéro surtaxé à appeler ou la rubrique traditionnelle à la fin d’un magazine. La discipline s’est transformée en un langage courant, jargon banalisé souvent utilisé sur un ton parfois ironique pour l égitimer des constats de vie : “Mercure est en rétrograde” ; “c’est mon côté Taureau” ; “c’était forcément voué à l’échec, c’est un signe d’air…”. De vieillotte ou obscure, l’astrologie est devenue tendance et cool, jusqu’à s’imposer petit à petit comme l’un des nouveaux éléments constitutifs de la pop culture. L’astrologie a même ses superstars, de jeunes créateurs de contenus aux millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, à l’image de Cole Prots, suivi par plus de 3.5 millions de personnes sur TikTok.
On ne compte plus les célébrités qui revendiquent avec fierté leur correspondance avec leur signe astrologique - de Drake à Léna Situations - ou encore les marques qui ont vite fait de capitaliser sur la tendance, à coups de bijoux aux effigies des signes du zodiac ou des lignes de vêtements propres à chaque signe. Aujourd’hui, tout le monde (ou presque) connaît au moins son signe astrologique et pour peu que l’on laisse traîner ses oreilles en soirée, il n’est plus rare d’entendre parler d’astrologie.
A l’appui de ces propos, des faits : selon une enquête de l’Ifop avec la fondation Jean Jaurès publiée en Décembre 2020, près de 4 français sur 10 disent croire en l’astrologie, et près de 70% des 18-24 ans aux “parasciences”, dont l’astrologie fait partie. Cela ne concernerait-il donc que les français ? Loin de là ! Aux Etats-Unis par exemple, 25% des personnes interrogées ont répondu croire à l’astrologie lors d’un sondage mené par le Pew Research Center en 2018.
Phénomène de fond donc, supporté par un élan commercial qui fait basculer l’ésotérisme du hobby à la profession. La spiritualité supporte un écosystème économique qui ne cesse de se développer, permis justement par les réseaux sociaux. L’apparition du métier de créateur de contenu a permis à cette nouvelle génération du monde de la spiritualité de trouver une autre façon de commercialiser leurs services via leurs propres réseaux sociaux, qui leur permet, si ce n’est d’en vivre, d’en tirer au moins une source nouvelle de revenu (à l’image de Snipfeed).
Pourquoi l’astrologie : portraits d’une génération et d’une discipline
Les raisons à ce phénomène sont multiples et ne sauraient exister indépendamment les unes des autres. Tout d’abord, le public concerné : la génération Z. Par la simple analyse de ses caractéristiques et marqueurs sociaux, il est possible d’y trouver les premières clés de compréhension. En effet, sont considérés comme faisant partie de la Gen Z les individus nés entre 1996 et 2010 (environ), ce qui représente aux alentours de 2.4 milliards d’individus, soit 32% de la population mondiale.
Du point de vue économique, ils représenteront plus de 46 % des achats sur le marché mondial en 2025 et détiendront un pouvoir d'achat estimé à 44 milliards de dollars. Si parmi l’ensemble de leurs caractéristiques sociales nous devions en retenir une, ce serait celle-ci : une génération de digital-native, marquée par les crises sociales et économiques, à la recherche d’une identité unique, pour qui les normes établies, la hiérarchie et les institutions agissent comme repoussoir.
“L’idée n’est aucunement de vouloir convaincre à tout prix, de faire adhérer aveuglément, mais au contraire d’ouvrir un regard nouveau sur le monde, un regard procurant une nouvelle forme de recul face aux questionnements et moments cruciaux d’une existence.”
- Extrait de notre échange avec Shana Lyès
L’astrologie agit donc pour cette génération comme un rempart idéal à la masse, et contribue à leur rejet institutionnel. Quoi de mieux en effet qu’une discipline promouvant la meilleure connaissance de soi pour affirmer sa singularité ? Propice à l’exploration intérieure et à son interprétation personnelle, elle s'éloigne des institutions classiques de la spiritualité et de la religion.
Par ailleurs, si l’astrologie est parvenue à s’imposer comme un nouvel élément de la pop culture, c’est bien parce qu’elle porte en elle une dimension fédératrice que l’on ne saurait sous-estimer. En effet, l’astrologie n’est pas une discipline propre à une classe sociale et ne souffre pas d’un apprentissage inégal en fonction de sa catégorie socio-économique. Elle relève à la fois d’intérêts de niche conjugués à une popularisation plus massive qui la rend attrayante et éveille les esprits curieux, ouverts à l’altérité.
“L’astrologie interprète un relevé de l’état du ciel au moyen d’un langage symbolique. Elle propose un rituel à la fois initiatique et récurrent auquel nombre de nos contemporains adhèrent quelles que soient leur appartenance sociale et leur culture. Au désordre sur Terre, elle répond qu’un ordre immanent existe dans le ciel, et se propose de restituer l’identité de l’homme au sein du cosmos”
- Daniel Kunth et Philippe Zarka dans “L’astrologie”
Elle rassemble car elle implique un langage spécifique, utilisé seulement par ceux qui la connaissent, et la démocratisation de son accès, grâce aux réseaux sociaux, a accentué son universalité : tant qu’un individu possède un appareil doté d’une connexion internet, le monde de l’astrologie pourra s’offrir à elle/lui. Par conséquent, elle apparaît comme une entité qui regroupe et rassure, car il est de plus en plus facile d’identifier celui ou celle qui s’y intéresse. L’astrologie fédère autour d’une vision du monde influencée par les astres et les étoiles, des manifestations communes d’appartenance et de nouvelles formes d'interactions.
De plus, il est possible de voir dans l’astrologie - et la spiritualité dans sa globalité - une nouvelle forme de militantisme. Sur ce point, à chacun sa grille de lecture : militer pour la liberté de croire en des choses différentes, loin des normes établies ; militer pour retrouver son individualité ; militer contre les injonctions de genre liées à ces pratiques - la spiritualité et l’astrologie étant aujourd’hui encore très souvent considérée comme des “trucs de filles”, tournées au ridicule ou simplement moquées.
A nouveau, le farfelu (voire complètement fantasque) attribué à l’astrologie est devenu l’un des moteurs de l’identité de cette communauté. Nous sommes face à ce que l’on appelle en sociologie un “retournement de stigmate” : ces disciplines deviennent des outils de prise de pouvoir pour les groupes concernés à travers le prisme du développement personnel, et de nouveaux arguments de lutte émergent avec un langage et des codes communs.
Enfin, ce réveil de l’astrologie - tant économique qu’en matière d’intérêt - s’inscrit dans un contexte plus global d’émergence de la Creator Economy : les réseaux sociaux sont devenus un vecteur professionnalisant pour nombre d’individus, où vivre de sa passion n’est plus le lot de certains chanceux mais bien une nouvelle voie possible d’être empruntée pour qui aurait à la fois l’envie et le courage de s’y lancer. Peu de surprise donc que l’on assiste à un phénomène plutôt massif de professionnalisation de la spiritualité grâce aux réseaux sociaux.
Quel futur pour l’astrologie sur les réseaux sociaux ?
A la lumière de ces réflexions, il est donc légitime de se demander si l’astrologie a devant elle un futur pérenne, ou s’il ne s’agit là que d’un coup d’éclat qui rapidement se ternira. Cette question se pose dans le contexte plus global de la durabilité de la création de contenu en tant que profession et qu’écosystème. Est-il possible d’affirmer que le système économique de la Creator Economy que l’on a vu émerger ces dernières années se fonde sur des bases solides ? Pouvons-nous penser que l’astrologie a encore de beaux jours devant elle, tant sa popularité ne cesse de croître ?
Nous voyons le regain d’intérêt pour l’astrologie et l’ésotérisme comme l’un des symptômes de changements profonds de nos manières d’être et de penser d’un point de vue collectif. La quête de sens et d’identité est réelle, et se fait sentir à tous points de vue. La spiritualité séduit car les nouvelles générations aiment s'approprier d’anciennes disciplines délaissées pour leur trouver une nouvelle signification.
Toutefois, une prise de recul est nécessaire car avec la massification vient la dérive, et l’on ne saurait s’inquiéter de la multiplication des comptes et créateurs voulant surfer sur un effet de mode plus que par sincère intérêt. A ce sujet, nous avons eu la chance d’échanger avec Shana Lyès, la fondatrice d’@astrolya, l’un des comptes d’astrologie francophone les plus suivis sur Instagram
“L’astrologie, comme toute discipline, a ses codes, ses références, et requiert une étude et des connaissances approfondies : il ne s’agit pas seulement de lancer quelques phrases à la volée fondées sur de vieux poncifs, mais bien d’apporter une réelle expertise. Si les réseaux sociaux ont permis un accès démultiplié à l’information et au partage, attention donc à ses sources !”
- Extrait de notre échange avec Shana Lyès
Adepte ou sceptique de la discipline, il n’en demeure pas moins que l’astrologie possède désormais un réel poids symbolique, social et économique difficile à nier !
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